Ici, personne ne veut plus de cette capitaine de police.
Là-bas, personne ne veut de son enquête.
Ceux qui me connaissent le savent : un roman d'Olivier Norek ne fait jamais long feu dans mes mains. Sitôt reçu, sitôt lu. Adage qui se vérifie cette fois encore : reçu mardi juste avant ma sortie à la capitale, je l'ai ouvert dès mon retour. Et si je ne l'ai terminé que mercredi en fin d'après-midi, c'est parce qu'il a bien fallu dormir (un peu) et me nourrir d'autre chose que de chocolat.
Mais comment pourrait-on réussir à lâcher ce roman, après une telle entrée en matière? Une arrestation minutée qui tourne mal, une flic à terre, et un prologue hyper nerveux. Vous ne pouvez que vérifier que rien ne viendra vous déranger et vous installer un peu plus confortablement, pour savoir comment Noémie pourra surmonter cet "accident balistique".
Par contre, phobique que je suis dès qu'on touche aux yeux, j'ai eu très peur de ne pas pouvoir dépasser les premiers chapitres. J'ai failli contacter des amies lectrices, voire l'auteur lui-même, au bord de la syncope, pour m'assurer que j'allais survivre, mais je me suis dit qu'à passé 23h, j'allais me faire rembarrer. J'ai donc pris mon courage à deux mains, et ouf! on n'en reparle plus par la suite.
Ce roman est à mon sens dans la lignée - qualitative - des Coste, tout en étant totalement différent. Différent par ses personnages, par son histoire, par son cadre.
C'est qu'il nous emmène à la campagne, dans l'Aveyron! (j'ai dû chercher sur une carte, j'avoue). Noémie est priée d'aller y mettre au vert ses cicatrices, autant physiques que psychologiques, que certains collègues ne peuvent se résoudre à affronter. Que diable pourrait-il bien se passer dans l'Aveyron? Un taux de criminalité record - vers le bas. Des flics qui n'ont pas vu une mort suspecte depuis des années. Un lac artificiel, des arbres et des pierres. Et ce cadre devient pratiquement un personnage à part entière : le lac prend vie devant nos yeux, on est plongé dans ces villages isolés, à la pente démographique descendante, où les informations n'ont pas besoin de télé ou de radio pour circuler (et une pensée pour ma grand-mère). Vous y êtes? Vous trouvez cela reposant? Plus pour longtemps - et heureusement pour nous.
Comme toujours avec Olivier Norek, c'est très réaliste, tant sur le plan de l'intrigue que des personnages, sans être too much, ce que j'apprécie beaucoup. Je n'y trouve pas de violence gratuite, de descriptions me donnant la désagréable impression de se complaire dans l'insoutenable... alors même que le sujet abordé est insoutenable. De plus, tout semble parfaitement naturel : le lecteur néophyte comprend les rouages de l'enquête sans que ça tourne (comme c'est parfois le cas) à la leçon magistrale; les explications nécessaires sont intégrées au récit, et ça coule tout seul. On le vit plus qu'on ne le lit, en quelque sorte.
En outre, c'est réaliste, sûrement parce qu'il est lui-même policier, c'est parfois violent parce que le genre et l'histoire le veulent, mais surtout c'est en même temps profondément humain. Et ça, cette humanité, je pense de plus en plus que c'est la - jolie - touche Norek, celle qui donne à ses romans ce petit truc en plus, qui fait que j'attends - déjà - impatiemment le prochain.
Il y a tout, dans ce roman. Le clin d'oeil (tellement apprécié) à la team Coste. L'hommage et le soutien à son ancienne (sans doute pas tant que ça) famille de la police nationale. La joyeuse marque de fabrique de cette nouvelle génération d'auteurs de polar français, qui s'amusent à saluer les collègues au détour d'une phrase. Une héroïne incroyable de force, de (sacré) caractère et de résilience. Un récit rythmé, tout en miroir, entre le passé et le présent, le souvenir et l'oubli, le visible et l'englouti, l'amoché et l'intact.
Surface est un p***** d'excellent polar, mêlant action et émotion, à ne surtout pas rater.
Et comme ces deux-là sont décidément inséparables, je vais maintenant pouvoir terminer ma petite bafouille sur le dernier roman de Nicolas Lebel, que j'avais pourtant lu en début de semaine. Mais ce malheureux Nicolas sait bien qu'il était impossible de résister à la tentation de plonger sans attendre sous la surface...