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Ce que Marguerite lit
6 juin 2014

Quand j'étais Jane Eyre - Sheila Kohler

JaneEyre

Dans le calme et la pénombre, au chevet de son père qui vient de se faire opérer des yeux, Charlotte Brontë écrit, se remémore sa vie, la transfigure. Elle devient Jane Eyre dans la rage et la fièvre, et prend toutes les revanches : sur ce père, pasteur rigide, désormais à sa merci, sur les souffrances de son enfance marquée par la mort de sa mère et de deux sœurs aînées, sur sa passion malheureuse pour un professeur de français à Bruxelles, sur son désespoir face à son frère rongé par l'alcool et la drogue, sur le refus des éditeurs qui retournent systématiquement aux trois sœurs Brontë leurs premiers romans, envoyés sous pseudonyme.

J'aime regarder par-dessus l'épaule des écrivains. Découvrir d'où vient leur inspiration, comment ils travaillent, s'ils écrivent à la main ou pas, raturent, déchirent, recommencent, déplacent... Je dois avoir un petit côté voyeur Emoji  Autant dire que, le processus créatif étant au cœur de ce roman, il me faisait de l’œil depuis un bon moment.

On navigue ici entre réalité et fiction. L'auteur laisse voguer son imagination tout en se fondant sur des faits réels ayant parsemé la vie des sœurs Brontë : le décès de leur mère et de leurs deux sœurs aînées, leur passage par Bruxelles, la dépendance alcoolique de leur frère, leurs expériences professionnelles. Elle établit des liens entre les épreuves traversées et leur œuvre, entre les personnages réels et ceux de leurs romans. Sheila Kohler ne se contente pas d'une simple biographie, sèche et linéaire. Elle ne s'égare pas non plus dans une imagination débridée. Non, elle nous offre une fiction tout à fait plausible, reposant sur des faits avérés et tissés d'aspects romancés, non dénués d'émotions et de passion. Elle nous emmène dans le cœur et dans l'âme de Charlotte (principalement) et de ses sœurs, et procède à un agréable va-et-vient entre leur vie et leur œuvre. L'ensemble est tout à fait accessible au lecteur qui ne connaît pas à fond les romans dont il est question. 

D'écrivains, Charlotte et ses sœurs deviennent à leur tour des personnages de roman... et il y avait de quoi faire ! C'est que non seulement la vie ne les a pas épargnées, mais qu'elles ont également fait le choix de poursuivre la carrière qu'elles s'étaient choisie, malgré les embûches, les doutes et les refus. C'est à une intéressante réflexion sur la condition féminine et sociale que nous convie également l'auteur, en nous rappelant que les sœurs Brontë ont publié dans un premier temps sous un pseudonyme, leur permettant de cacher qu'elles étaient des femmes mais aussi qu'elles s'étaient inspirées, pour partie du moins, de leur vécu.

La plume est fine et délicate, tout à fait en adéquation avec le sujet et l'époque. On ressent une grande tendresse pour ces jeunes femmes, à la fois fragilisées et déterminées. C'est une totale réussite, sur tous les plans : l'auteur manie avec brio à la fois la biographie et le romanesque, passe d'un personnage à l'autre, de la famille en tant qu'entité aux individualités, de l'enfance à l'âge adulte, de la vie réelle au contenu des œuvres, ce qui fait qu'on ne s'ennuie pas un seul instant. Le tout avec beaucoup d'émotion et de sensibilité.

Je l'ai lu d'une traite et j'en garde l'envie très forte de me replonger dans Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent, lus alors que j'étais trop jeune pour les apprécier à leur juste valeur. (ça tombe bien, mon challenge perso "Je lis des classiques" court toujours...)

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Commentaires
A
C'est vrai qu'il est en poche maintenant, je me l'offrirais bien !
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