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Ce que Marguerite lit
1 février 2015

Ce qui ne nous tue pas - Antoine Dole

doletue

 

Lola est en colère. Contre ses parents qui se disputent sans cesse, contre les profs, contre ses amis, contre tous. Alors Lola fait la dure, cogne, et finalement met les voiles. Dans sa fuite, elle trouve refuge par hasard auprès de Simone. Chez la vieille clame, le temps s'est arrêté. Ces deux solitudes vont peu à peu s'apprivoiser et découvrir cette douceur qui ne nous tue pas mais nous rend plus fort.

Avant toute chose, je tiens à remercier solennellement ma dentiste, pour sa participation active, qui m'aura permis de lire ce (court, certes) roman jeunesse en entier, de la première à la dernière ligne, dans sa salle d'attente. Le revers de la médaille, c'est que les conditions n'étaient quand même pas idéales pour profiter vraiment de ma lecture.

Tout est dit, ou presque, dans le résumé. Sauf la plume, le style et le talent. J'ai eu un peu de mal à entrer dans ce roman. La faute peut-être aux bipbip à répétition du smartphone de mon voisin de banquette... La "faute" aussi à l'aspect un peu décousu des premières pages. L'auteur alterne en effet époques et narrations : présent raconté à la troisième personne, passé raconté par Lola. Une fois les premiers chapitres passés, les choses sont beaucoup plus claires. Au moment où nous rencontrons Lola, elle s'est réfugiée dans un hall d'immeuble, pour se cacher, pour ne pas être retrouvée. Quelques étages plus haut, une voix l'interpelle, la priant de monter, la confondant avec une certaine Anna. Lola décide d'obtempérer, pensant détromper la vieille dame et utiliser son téléphone. Mais Simone s'entête, insiste, tombe, s'endort. Lola reste pour la veiller. Dans cet immeuble insalubre, abandonné par tous sauf par Simone, elle va s'attacher à la vieille dame qui perd la tête, la nourrir, lui raconter les histoires qu'elle veut entendre. Pour ne pas l'énerver. Pour la ménager. Pour lui offrir quelques heures de joie, au souvenir d'événements qui n'ont jamais existé. 

Parallèlement, par une succession de flash-back, Antoine Dole nous emmène, quelques semaines en arrière, dans la tête de Lola. Lola qui voit ses parents se déchirer, sa mère pleurer, son père partir. Lola qui cesse de travailler, sèche les cours, se croise les bras. Lola qui se replie, repousse même son meilleur ami. Jusqu'à la violence. Jusqu'au point de non-retour, qui confronte enfin ses parents à son mal-être, mais qui ne leur permet pas de renouer, ni entre eux ni avec elle. Alors elle part. Parce qu'elle ne veut plus de cette vie. Parce qu'elle pense ne plus y avoir de place. Parce qu'elle ne veut plus voir ni entendre. Parce que tout vaut peut-être mieux que ce rien dans lequel elle s'enlise. Et ce tout, ce sera Simone; Simone qui n'a plus rien.

Même si elle m'a, je l'ai dit, un peu déroutée dans un premier temps, j'ai trouvé intéressante cette alternance des deux voix, car les chapitres en "je" nous plongent dans les pensées de Lola et nous font chuter avec elle. L'effet n'aurait certainement pas été le même avec une narration plus classique.

Antoine Dole trouve des mots justes pour faire de Lola une jeune fille perdue, qui tente de rester debout alors que son monde s'écroule. Il en fait un personnage complet, entre colère et tristesse, entre solitude, repli et recherche d'affection, entre entraide et un certain égoïsme adolescent.

C'est un très beau roman jeunesse, émouvant et plein de tendresse mais aussi de colère et de douleur -celle de Lola, celle de Simone, mais aussi, en filigrane, celle des parents. Mais c'est un roman qui, pour moi, souffre de son format jeunesse : il est très court -et c'est tant mieux pour les jeunes lecteurs qui pourront le découvrir- et en réalité trop court à mon goût. En résulte un léger sentiment de survol, de manque de crédibilité, parce qu'entre Lola et Simone, tout est trop rapide. Les thèmes sont nombreux et intéressants (amitié, divorce, mal-être, vieillesse, difficulté d'aller vers les autres et d'accepter leur aide,...), et ils auraient mérité d'être davantage approfondis, en se centrant peut-être moins sur la seule colère de Lola. Mais encore une fois, il s'agit là de mon point de vue et de mes attentes de lectrice adulte, et je ne doute pas que ce roman soit ainsi plus accessible aux ados. Ce qui est bien l'essentiel, finalement.

Et puis, même si c'est un roman jeunesse, c'est aussi un livre pour les parents. Parce qu'ils ont rarement l'occasion de plonger ainsi dans le ressenti de leurs enfants. Parce qu'ils oublient parfois que ceux-ci voient, entendent, interprètent et se (dé)construisent sur tout ça. Parce qu'Antoine Dole a eu le grand talent de mettre ces difficultés en lumière et en mots, dans un très bon récit accessible à tous.

 

Challenge Lecture 2015 - Catégorie "Livre lu en une journée" (grâce à ma dentiste!)

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