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Ce que Marguerite lit
15 février 2015

Le silence de Mélodie

mélodie

 

Quand j'ai eu deux ans, tous mes souvenirs avaient des mots,
et tous mes mots avaient une signification.
Mais seulement dans ma tête.
Je n'ai jamais prononcé un seul mot. J'ai presque onze ans.

 

Atteinte d'une paralysie cérébrale, Mélodie ne peut ni parler ni marcher; pas même garder son équilibre. Son seul moyen de communiquer avec son entourage : une tableau alignant les termes les plus usuels, fixé sur sa chaise, sur lequel elle peut montrer, de la main, les mots qu'elle souhaite dire. Difficile, dans ces conditions, d'exprimer de l'humour, du second degré, ou des idées très nuancées. Or, dans sa tête, ça se bouscule. Des choses à dire, Mélodie en a. Des tas. Sur son handicap, sa famille, son entourage, l'école. Grâce à la ténacité de ses parents, Mélodie a en effet pu être scolarisée, montrant aux médecins que l'intelligence ne se résume pas aux mots prononcés. Et il y a à dire, sur cette fameuse classe qu'elle passe au crible de ses observations et de son humour. Sur ses enseignants qui, d'une année à l'autre, la hissent ou lui donnent, au contraire, l'impression d'être dans une crèche. Sur la difficulté à se mêler aux autres, à ces enfants supposés "normaux" (mais qui peut vraiment prétendre l'être?). Sur la "peur de l'autre" qui règne d'un côté comme de l'autre. Sur les regards tantôt méprisants, tantôt compatissants, mais rarement neutres. Sur cette merveilleuse voisine, nounou à ses heures, qui la porte à bout de bras pour lui permettre de toucher ses rêves. 

S'il ne s'est pas avéré être, pour moi, le coup de coeur qu'il a été pour bon nombre de lecteurs, j'ai malgré tout trouvé ce roman à la fois émouvant, intéressant, et maîtrisé. Cette plongée dans l'esprit et le coeur de Mélodie se fait sans complaisance et avec beaucoup d'humour. Le style est adapté à l'héroïne et les pages se tournent très rapidement. J'ai été émue et heureuse pour elle, lorsqu'elle peut se faire entendre, grâce à un ordinateur qui met en voix sa pensée. J'ai été admirative, devant sa volonté, son courage, sa soif d'apprendre. Triste aussi, parfois, lorsqu'elle se considère responsable d'événements sur lesquels elle ne peut, malheureusement avoir aucune prise. Le coeur se serre parfois, car on ne peut s'empêcher de penser que de trop nombreux enfants vivent cette situation, affrontent ces réactions, sans bénéficier de la technologie qui file à Mélodie un sacré coup de main dans la seconde partie du roman. On ne peut s'empêcher, non plus, de pester contre ces professionnels, médecins ou enseignants, qui avec un manque certain de tact et de connaissances concernant leur "public", mettent à Mélodie de sacrés bâtons dans les roues. Quant à la toute dernière partie, elle est hallucinante (impossible de croire qu'un enseignant puisse se comporter de cette façon, mais en est-on bien sûr?), et c'est avec colère, de la colère contre lui, contre ce qu'il incarne, que j'ai finalement refermé ce livre.

C'est un roman qui dit, ou tente de dire, l'impossible, de mettre le lecteur à la place de Mélodie, de lui faire ressentir ses difficultés, ses barrières, ses rêves, de lui donner la parole comme jamais elle n'a pu la prendre. 

Pas un coup de coeur, je l'ai dit, sans doute parce que les avis dithyrambiques que j'avais lus m'avaient laissé attendre un petit quelque chose en plus. Mais ne boudons pas notre plaisir, cela reste une très bonne lecture, avec une héroïne très attachante, qui m'a accompagnée encore durant les jours qui ont suivi. Mélodie est une sacrée gamine, qui, espérons-le, fera réfléchir ses lecteurs au regard qu'ils portent sur l'autre, quel qu'il soit.

Merci à Camille et à Michel Lafon pour ce partenariat.

 

Challenge Lecture 2015 - Catégorie "Un livre où l'action se déroule dans une école"

 

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